Lucie Malbos, 2022, Le monde viking. Portraits de femmes et d’hommes de l’ancienne Scandinavie. Paris, éditions Tallandier, 352 p.
« Ceci n’est pas une histoire de vikings », prévient Lucie Malbos, qui s’excuse d’avoir (un peu) trompé le lecteur, attiré par ce mot « viking » comme une mouche par le miel. C’est que ce terme, qui emballe de suite notre imaginaire, ne désigne pas une ethnie, mais un mode de vie, une façon de se comporter : « ainsi, tous les vikings n’étaient pas d’origine scandinave, et inversement, tous les anciens Scandinaves n’étaient pas des vikings. En somme, on ne naît pas viking : on le devient par ses actions ; et pour cela, point n’ait besoin d’être né sur le sol scandinave ». Lucie Malbos va donc nous parler de personnages ayant vécu « au temps des vikings », allant au plus près des sources, écartant ce qui relève du fantasme, de l’exagération de moine effrayés ou de mauvaises traductions : le désormais célèbre Ragnar Lodbrok, héros de la série Vikings, ne buvait pas dans le crâne de ses victimes, mais dans des coupes faites de cornes animales ! Entre 793 et 1066, Lucie Melbos sélectionne ses personnages dans un « impressionnisme » assumé, pour nous familiariser avec ce monde qui nous est totalement étranger. Avec son impressionnante érudition, elle nous évoque Godfred, le roi des Danois meilleur ennemi de Charlemagne, les mystérieuses défuntes d’Oseberg, de riches héritières à Birka, du terrible Hasteinn, pilleur de monastères, d’Ottar le voyageur, d’Harald à la belle chevelure, d’Harald à la dent bleue, de Rollon premier duc de Normandie, d’Eric le Rouge et de sa lignée colonisant le Groenland et prenant pied sur le Nouveau Monde, du roi suédois Olof Skötkonung, de Toki le Forgeron et d’Estrid la « matriarche ». Nous les suivons dans les mers agitées ou sur les terres labourées, ériger de grandes pierres gravées de runes et peintes de couleurs que nous savons aujourd’hui vives et éclatantes, se laisser progressivement convertir à la foi chrétienne et reprendre enfin leur histoire en main, avec des récits qui leur sont propres. C’est passionnant et tout aussi captivant qu’un film à grand spectacle : quelquefois, la réalité vaut mieux que la fiction.
Romain Pigeaud